Et si le propre de l'Homme n'était pas le rire, le langage ou l'aspiration à l'éternité, mais son pouvoir de destruction ? Dérèglement climatique, hausse des températures, montée des eaux, pandémies... nous allons droit à la catastrophe.
Le responsable de cette catastrophe est l'humanité elle-même. À force de grandir et de recouvrir toute la surface de la Terre, elle se comporte comme un cerveau géant et surpuissant, doté d'une infinité de connexions.
C'est ce cerveau qui prélève des ressources sur la Terre, produit des millions de SUV et de smartphones, fait travailler les humains sans relâche et recrache des milliards de tonnes de CO2 dans l'atmosphère. Mais à quoi pense cet organe ? A-t-il des désirs ? Des émotions ? Quels sont ses plans ?
Dans Human Psycho, Sébastien Bohler adopte une démarche clinique pour analyser le cerveau global qu'est devenue l'humanité, comme un psy le ferait avec son patient.
Le constat qu'il livre est glaçant : ce cerveau possède les traits caractéristiques d'un psychopathe. Il coche toutes les cases du profil psychologique d'un serial killer qui massacre sa victime - la planète.
Alors, peut-on le soigner ? Tel est le questionnement ultime de cet ouvrage, qui nous emmène sur une crête étroite entre néant et espoir.
À la fameuse question « Pensez-vous qu'on peut rire de tout ? », François Morel répond à sa façon : « Oui, mais on n'est pas obligé. » Quand un auditeur l'aborde gentiment pour lui dire : « Je ne rate jamais une de vos chroniques », il répond : « Moi, hélas, ça m'arrive... » Ainsi parle l'auteur des centaines de textes savoureux rassemblés dans ce volume, qui, depuis septembre 2009, continue à réjouir chaque semaine des millions d'auditeurs de France Inter. En partant du principe que l'humour est un ingrédient et non une discipline, il nous amène à réfléchir en nous amusant, réussit à nous émouvoir en nous bousculant, qu'il s'agisse de nous donner des nouvelles du Bon Dieu ou du cardiologue d'Alain Finkielkraut. Il n'hésite pas non plus à flirter avec l'impertinence et la causticité lorsqu'il écrit une lettre à son papa avant un grand rendez-vous électoral ou qu'il fait la liste d'un certain nombre de personnalités qui ont fait la France sans porter un prénom d'origine française. Courageux, François Morel ? Non, réplique-t-il, pas spécialement. Mais « libre » oui.
Qu'il se fasse poète en rendant un hommage félon à Jean Dutourd en alexandrins ou qu'il s'interroge sur la capacité de Francis Lalanne à déchaîner les passions, Morel croque l'époque dans ce qu'elle a de pire et parfois de meilleur, en quelques phrases ciselées avec un sens inimitable de la satire tranquille. Et c'est encela que François Morel nous est indispensable !
S'il y a un peintre français qui, par son seul génie, a bouleversé le monde entier, c'est bien Édouard Manet.
Depuis l'enfance, j'aime ses oeuvres, ses noirs, ses ivoires, ses énigmes, ses amoureuses. La violence extrême qu'il a suscitée est inimaginable aujourd'hui. Je vous propose une balade personnelle et intime dans sa vie.
Ado, j'avais trois idoles : lui, Jacques Monory, le peintre des meurtres bleus, et Led Zeppelin. Vous allez les retrouver ainsi que des conversations sur le bel Édouard avec Koons, Barceló, Longo, Condo, Tabouret, Lavier, Yan Pei-Ming, Traquandi, Mivekannin et ceux qui font l'art vivant.
Je ne suis pas historien, ce qui me permet de convoquer des surprises dans le secret des ateliers : Picasso, Warhol, De Niro père et fils, Hockney, Visconti, César, Niki de Saint Phalle, La Casa de Papel, Laurence des Cars, Bourdieu, la maladie brutale, le journalisme, mes parents, modestes marchands de tableaux et ceux du monde entier...
Notre Hitchcock de la peinture a inventé l'art moderne pour le reste de la planète. Il adorait la vie et il a fini, presque paralysé, par peindre des fleurs déchirantes. Étant passé tout proche du ravin rejoindre mon père, je me suis autorisé ce roman vrai avec des reproductions magnifiques.
Édouard Manet a vécu la mort aux trousses en revenant tout jeune du Brésil, à cause de la syphilis qui l'a tué à 51 ans. Comme Baudelaire à 46 ans. Il lui ferma les yeux.
Il repose au cimetière de Passy, à Paris. Il incarne la preuve que l'art contemporain n'existe pas car le Déjeuner sur l'herbe est vivant pour l'éternité.
Partout.
Qui aurait pu penser que l'antisémitisme puisse aujourd'hui relever la tête ? Sous couvert de défendre de nouveaux damnés de la terre, une certaine gauche passée à l'ennemi réactive l'antique théorie du bouc émissaire et désigne les Juifs et Israël comme les causes de toute négativité. Un rabbin et un philosophe se proposent de penser, l'un à partir de son judaïsme, l'autre de sa chrétienté sans Dieu, ce qu'il en est de Dieu, de son existence ou non, de sa responsabilité ou non dans le mal, mais surtout la nécessité de l'herméneutique juive et de la symbolique chrétienne pour fonder et conduire un dialogue, qui semble devenir la chose du monde la moins partagée.
M.O.
Si « l'antisémitisme renaît de ses cendres ? pardon !, de nos cendres » (Herbert Pagani), c'est peut-être en raison de l'assignation identitaire qui gagne. En eff et, pourquoi les Juifs, éternelles victimes expiatoires, échapperaient-ils à cette tentation mortifère de réduire l'autre à l'idée souvent fantasmée que l'on se fait de lui ? Là n'est pas le moindre des paradoxes d'un monde d'hypercommunication où l'on ne dialogue qu'avec celui qui nous ressemble. Pouvait-on imaginer un fossé plus large que celui qui sépare un croyant d'un athée, dépositaires de traditions de pensée si diff érentes ? Contre toute attente, un authentique échange s'est établi entre eux et s'est progressivement tissé autour d'un objet de questionnement, Dieu, qui semblait les vouer à ne jamais se rencontrer.
M.A.
Edgar Morin, dont on vient de fêter le centième anniversaire avec grand éclat, est la dernière des grandes figures intellectuelles de notre temps. Sa parole continue de faire autorité. Tout autant que sa pensée, c'est sa longue destinée qu'il évoque ici avec son amie Laure Adler dans cet ultime témoignage qui a valeur de testament.
Ce livre est le fruit d'une longue complicité intellectuelle qui a fait de Laure Adler une interlocutrice privilégiée d'Edgar Morin. Au cours de ces échanges réguliers poursuivis jusqu'à ces derniers mois, ils font ensemble le tour de la vie du philosophe, de ses engagements, de ses rencontres.
Ils évoquent son enfance marquée par la mort de sa mère, ses relations, entre autres, avec Marguerite Duras et François Mitterrand dans le cadre de la Résistance, autour de ce qu'il appelle " la communauté de la rue Saint-Benoît ", brossant d'eux un portrait très personnel. Il revient sur son engagement au sein du Parti communiste, puis durant la guerre d'Algérie, sur Mai-68 et le conflit israélo- palestinien, parmi les innombrables thèmes d'actualité qui ont alimenté sa réflexion et ses prises de position.
Tout a intéressé, passionné, mobilisé Edgar Morin dans cette époque complexe et tourmentée qui se confond avec l'histoire de son existence. L'idée européenne, le défi écologique, la création artistique dans son ensemble, le sujet migratoire, le racisme et l'antisémitisme, le rôle et le devoir des intellectuels en période de crise, en particulier à l'heure du Covid.
Sur tous ces sujets, Edgar Morin livre à Laure Adler l'analyse, le point de vue d'un sage plein d'acuité et capable d'autocritique. Les multiples reflets d'une pensée sans cesse en mouvement chez cet intellectuel que Laure Adler présente comme "?un baroudeur du savoir?", en perpétuel vagabondage à?travers toutes les disciplines. "?Un anti-maître à penser?" auprès de qui elle nous invite à puiser à notre tour des leçons d'optimisme et de vitalité.
C'est l'histoire d'un gamin du passage de Choiseul, écolier à Diepholz et à Karlsruhe, étudiant à Broadstairs, apprenti chez Lacloche, puis soldat, aventurier, médecin. Né dans un petit monde égoïste où la misère régnait, Louis Destouches (1894-1961) a grandi comme un chien fou et dans la solitude. Il a fait le plein des images de son enfance et de sa jeunesse, à l'affût des malheurs au-devant desquels il se précipitait pour mieux s'étonner ensuite de les avoir reçus comme des paquets de mer, en pleine figure. Revenu de la Grande Guerre mutilé dans sa chair et halluciné par l'horreur, Louis Destouches eut encore à découvrir la vanité de la souffrance et de la mort qui avaient été les compagnes de ses vingt ans. Il se plut ensuite à se raconter et comme il avait le génie de l'expression verbale, il écrivit comme on parle, au prix d'un labeur formidable, toujours fidèle à sa musique personnelle et sans jamais tempérer un besoin irrésistible de voir, de comprendre, d'enlaidir et de délirer, mais aussi de rire au plus fort de ses détresses.
Que dire à des jeunes de vingt ans pour leur conduite dans ce monde qui part à la dérive ? La civilisation s'effondre, les valeurs s'inversent, la culture se rétrécit comme une peau de chagrin, les livres comptent moins que les écrans, l'école n'apprend plus à penser mais à obéir au politiquement correct, la famille explosée, décomposée, recomposée se retrouve souvent composée d'ayants droit égotistes et narcissiques.
De nouveaux repères surgissent, qui contredisent les anciens : le racisme revient sous forme de racialisme, la phallocratie sous prétexte de néo-féminisme, l'antisémitisme sous couvert d'antisionisme, le fascisme sous des allures de progressisme, le nihilisme sous les atours de la modernité, l'antispécisme et le transhumanisme passent pour des humanismes alors que l'un et l'autre travaillent à la mort de l'homme, l'écologisme se pare des plumes anticapitalistes bien qu'il soit le navire amiral du capital - il y a de quoi perdre pied.
J'ai rédigé une série de lettres à cette jeune génération pour lui raconter les racines culturelles de notre époque : elles ont pour sujet la moraline, le néo-féminisme, le décolonialisme, l'islamo-gauchisme, l'antifascisme, la déresponsabilisation, la créolisation, l'antisémitisme, l'écologisme, l'art contemporain, le transhumanisme, l'antispécisme.
L'une d'elles explique en quoi consiste l'art d'être français : d'abord ne pas être dupe, ensuite porter haut l'héritage du libre examen de Montaigne, du rationalisme de Descartes, de l'hédonisme de Rabelais, de l'ironie de Voltaire, de l'esprit de finesse de Marivaux, de la politique de Hugo.
En voyage, je vis, je respire, je cherche l'aventure. Je rencontre des êtres qui savent tenir une conversation, je croise quelques ennuis, je cueille une vision, je pousse une porte, je me sors d'un pas désagréable. Je traverse une forêt, je parle à un homme que je ne connais pas et lui confie davantage de choses que s'il était mon frère, parce que je suis sûr de ne pas le revoir.
L'énergie vagabonde, c'est la traversée de l'éphémère, perpétuellement renouvelé.L'énergie vagabonde consiste à faire moisson d'idées dans les collines inspirées. Un jour, les notes deviennent un livre. Aujourd'hui, ces livres sont rassemblés dans ce recueil.
Il contient les récits de mes voyages à pied, à cheval, à bicyclette, dans les piémonts du Caucase, les steppes de l'Asie centrale, les taïgas de Sibérie, les plaines de Mongolie et de Russie, et sur le plateau du Tibet. Cette géographie a aimanté mon corps. Là-bas, les ciels aspirent le regard, les horizons reculent : on n'a pas de scrupules à tirer des bords en pareils parages ! Je joins à ces textes le souvenir de mes virées à moto sur les routes du Nouveau et de l'Ancien Monde, de mes bivouacs et de mes ascensions. À ces récits de promenades plus ou moins contrôlées, j'ai ajouté des reportages en des contrées lointaines où les hommes vivent des existences plus dangereuses que la mienne ainsi que certaines pages de mes journaux, tenus dans l'espoir de donner un ordre à ces agitations.
Je crois aux vertus de la tangente et de l'échappée.
Puisse l'énergie vagabonde ne jamais se tarir !
Sylvain Tesson.
Stefan Zweig, romancier et essayiste, était aussi un grand biographe, admirateur des artistes et des intellectuels, passé maître dans l'art de déchiffrer l'énigme de leurs vies et de leurs oeuvres. Ce livre rassemble dix-neuf textes, en bonne partie inédits, qui illustrent son talent de portraitiste, exercice de style qu'il accomplit en écrivain virtuose et psychologue raffiné. Autant de reflets de l'éclectisme, du cosmopolitisme et de l'humanisme de leur auteur. Dante, Tolstoï, Byron, E.T.A. Hoffmann, Nietzsche, Walt Whitman ou Cicéron côtoient des figures de son époque : le sculpteur Constantin Meunier, l'écrivain Max Brod, le dramaturge Frank Wedekind ou le compositeur Ferruccio Busoni.
Si les portraits de Zweig restent attachants même un siècle après avoir été écrits, c'est grâce à leur façon inimitable d'éclairer en quelques pages le sens d'une destinée et, avec elle, une personnalité tout entière. Zweig exhume comme personne le passé enfoui et peint avec le même talent les visages qu'il a connus. À travers ses maîtres ou ses proches, il nous livre une partie de son art et définit également son esthétique et sa morale. Ses portraits sont autant de paysages de l'âme qui dévoilent une part du mystère de sa condition humaine.
Des décennies après son départ, la narratrice, une romancière de renom, revient dans le village qui l'a vue naître. Dès son arrivée, elle est en butte à l'hostilité des villageois qui l'accusent d'avoir sali dans ses livres leur réputation et leurs familles.
Tandis qu'elle retrouve les visages, les lieux et les odeurs de son enfance, son histoire la submerge. Lui revient en mémoire son passé, et un terrible secret de famille si longtemps gardé refait surface. Encouragée par la parole, testamentaire de son maître spirituel et auteur du Prophète Khalil Gibran, dont l'ombre plane sur le village, elle veut dévoiler l'indicible, s'en affranchir et rendre justice.
Réalité et fiction se mêlent dans ce roman dense, incisif et fascinant. D'une plume aussi tranchante que poétique, Yasmine Ghata parvient à créer une ambiance sensuelle et envoûtante, et révèle au lecteur la force libératrice de la littérature.
Sous la forme d'une éphéméride, et ce sur presque tous les jours de cette année 2020, je consigne chaque délire dont notre temps est capable.
Dans ce journal se croisent une petite fille de huit ans qui veut changer de sexe depuis l'âge de quatre ans ; des égorgeurs présentés comme de pauvres victimes d'elles-mêmes ; une jeune fille qui ne va plus à l'école et prophétise la catastrophe climatologique dont le clergé de son pays nous dit qu'elle est le Christ ; des femmes qui vendent des enfants pendant que d'autres les achètent ; l'Église catholique qui court après les modes du politiquement correct ; le journal Libération qui se dit progressiste en célébrant la coprophagie et la zoophilie ; des végans qui militent contre les chiens d'aveugles ; une anthropologue qui trouve qu'il y a trop de dinosaures mâles et pas assez de femelles dans les musées ; des pédophiles qui achètent des viols d'enfants en direct sur le Net ; un Tour de France qui commence au Danemark et un Paris-Dakar ayant lieu en Amérique du Sud ; un parfum élaboré par une femme à partir des odeurs de son sexe ; un chef de l'État qui, entre autres sorties, se félicite que ses ministres soient des amateurs ; Le Monde qui estime courageuse une mise en scène théâtrale qui présente Lucien de Rubempré en femme ; le pape et Tariq Ramadan pour qui le coronavirus est une punition divine - et autres joyeusetés du même genre... Entre rire voltairien et rire jaune, cette Nef des fous est un genre de journal du Bas-Empire de notre civilisation qui s'effondre.
M. O.
Ce dictionnaire, d'une ampleur et d'une ambition sans équivalent, rassemble, sous la direction de Jean-Claude Monod, les éléments d'une pensée et d'une vie qui se trouvèrent au point de convergence, et parfois de friction, de nombreuses disciplines - philosophie, anthropologie, linguistique, sociologie, mythologie comparée, histoire de l'art, poétique... - et de plusieurs continents - Europe, Amériques du Sud et du Nord, Asie... L'oeuvre de Claude Lévi-Strauss transforma en profondeur non seulement les sciences sociales du xxe siècle, mais le regard que nos sociétés portent sur « les autres », d'abord sur ces peuples qu'on appela longtemps - avant Lévi-Strauss, justement - « primitifs » et, par là, sur nous-mêmes.
L'ouvrage parcourt l'intégralité des livres du grand anthropologue, les concepts qu'il a marqués de son empreinte, et nous éclaire aussi sur les rencontres qui ont été déterminantes dans son existence intellectuelle et personnelle. Sa vie est traitée comme un « fait biographique total » où les noms des maîtres et des collaborateurs, des lieux et des textes, des peuples et des notions sont autant d'entrées vers une oeuvre-monde.
Riche de multiples contributions françaises et étrangères, ce volume montre combien la pensée de Lévi-Strauss est animée par une quête de « sagesse » pratique visant à réformer notre civilisation et à réorienter le cours de nos sociétés. Ses réflexions engagent non seulement une idée de l'humanité - dans son unité et ses différences, dans ses liens vitaux avec la nature -, mais une conscience aiguë des conditions précaires de sa survie.
Aucun ouvrage de cette ampleur n'avait été jusqu'alors consacré à l'histoire de la Compagnie de Jésus. Fruit d'un long travail collectif, ce volume est constitué tout à la fois d'une « Histoire », retraçant le destin de l'institution au cours de ses presque cinq siècles d'existence (de 1540 à aujourd'hui), et d'un « Dictionnaire », éclairant des thématiques précises, toutes essentielles - collèges, esclavage, exil, islam, papauté, théâtre, tyrannicide... Il présente dans leur singularité et le dynamisme de leur individualité chacun des personnages marquants de la Compagnie de Jésus. Et celle-ci en a compté beaucoup, de ses pères fondateurs à ses figures spirituelles, intellectuelles, savantes, philosophiques, artistiques - Christoph Clavius, Michel de Certeau, Teilhard de Chardin, Pedro Arrupe... Autant d'inventeurs et d'inspirateurs déployés sur tous les terrains de la pensée et de l'action.
Une telle entreprise historiographique s'imposait d'autant plus que la Compagnie de Jésus a vu, pour la première fois de son histoire, l'un des siens accéder au trône de saint Pierre, le pape François. Elle aide à mieux comprendre pourquoi cet Ordre aussi redouté qu'admiré, proscrit au XVIIIe siècle sur décision du Vatican puis restauré par la même autorité pontificale, continue de nous fasciner aujourd'hui, après avoir fait l'objet depuis sa fondation de tant de fantasmes et de préjugés. Quel est le ressort de son ambition, le secret de son influence et de son intelligence du monde ? Ces interrogations jalonnent l'itinéraire d'une institution unique, tout aussi puissante et féconde qu'invariablement exposée à tous les mythes.
Seul inédit de Proust qui ne soit pas un montage artificiel de manuscrits d'époques différentes, il constitue un texte romanesque abouti, continu et cohérent, mûrement élaboré par l'auteur.
Contraint de couper ce volume initial, Proust écarte de nombreux passages ici restitués et connus jusque-là des seuls spécialistes. Les noms de lieux et de personnages diffèrent : Balbec n'est encore que Bricquebec, Charlus s'appelle Fleurus et Norpois, Montfort. Odette n'a pas de passé niçois, Swann connaît moins la jalousie. Le séjour à la mer est plus court, et les jeunes filles en sont absentes, ce qui donne au héros une personnalité plus homogène.
Dans sa présentation, Jean-Marc Quaranta précise les enjeux littéraires du Temps perdu. Cette édition met aussi en lumière le travail de Proust en distinguant la part inédite de celle qu'il a conservée. Elle indique en notes les évolutions de l'oeuvre les plus significatives. Enfin, un dossier présente divers documents qui éclairent le projet originel du romancier, ainsi que les circonstances du refus de son manuscrit, les démarches qu'il entreprit pour le faire publier et le travail de refonte auquel il dut procéder, véritable cours de création littéraire.
C'est trop peu de dire que nous vivons dans un monde de symboles, un monde de symboles vit en nous. De la psychanalyse à l'anthropologie, de la critique d'art à la publicité et à la propagande idéologique ou politique, sciences, arts et techniques essaient de plus en plus aujourd'hui de décrypter ce langage des symboles, tant pour élargir le champ de la connaissance et approfondir la communication que pour apprivoiser une énergie d'un genre particulier, sous-jacente à nos actes, à nos réflexes, à nos attirances et répulsions, dont nous commençons à peine à deviner la formidable puissance. Des années de réflexions et d'études comparatives sur un corpus d'informations rassemblées par une équipe de chercheurs, à travers des aires culturelles recouvrant la durée de l'histoire et l'étendue du peuplement humain, les auteurs ont tenté de donner à voir le cours profond du langage symbolique, tel qu'il se ramifie dans les strates cachées de notre mémoire. Chacun sentira bien l'importance de ce Dictionnaire. Plus de mille six cents articles, reliés par des comparaisons et des renvois, souvent restructurés à la suite d'une longue maturation, permettent de mieux approcher la nudité du symbole, que la raison dans sa seule mouvance ne parviendrait pas à saisir. Cette somme unique ouvre les portes de l'imaginaire, invite le lecteur à méditer sur les symboles, comme Bachelard invitait à rêver sur les rêves, afin d'y découvrir la saveur et le sens d'une réalité vivante.
À bien des égards, Les Essais constituent l'oeuvre fondatrice des lettres françaises et de la pensée occidentale moderne, dont Montaigne est l'un des pères. Or rares sont ceux qui, en France, peuvent vraiment lire Montaigne, hormis les spécialistes, à cause des difficultés du moyen français. Une nouvelle édition des Essais s'imposait, non pas « modernisée » et encore moins « traduite en français moderne », mais rajeunie et rafraîchie, pour rendre enfin accessible l'oeuvre du plus contemporain de nos classiques, le seul qui sache allier savoureusement des réflexions sur l'amour, la politique, la religion, et des confidences plus intimes sur sa santé ou sa sexualité.
L'objectif de cette monumentale entreprise conduite par Bernard Combeaud, avec le concours de Nina Mueggler, est d'offrir des Essais restaurés et revitalisés, à partir de l'édition de 1595, pour que chacun puisse s'entretenir commodément avec un écrivain aux idées foisonnantes, salué par Stefan Zweig comme « l'ancêtre, le protecteur et l'ami de chaque homme libre sur terre ».
Les traductions du grec et du latin sont toutes originales, les notes ont été réduites au minimum. Seules la ponctuation, l'accentuation, l'orthographe ont été systématiquement modernisées dans le souci constant de préserver la saveur originelle d'une langue si singulière, de préserver les images, les jeux de mots, les idiotismes gascons ou latinisants propres au style de Montaigne.
Dans une longue préface inédite et percutante, Michel Onfray désigne l'auteur des Essais comme l'un de ses maîtres à penser et à vivre. Il explique « pourquoi et comment il faut lire et relire Montaigne », philosophe qui apprend à « savoir jouir loyalement de son être ».
Familier des bizarreries et excentricités du langage, Jean-Loup Chiflet nous offre un florilège savoureux de « bons mots » des maîtres du genre : Sacha Guitry, Tristan Bernard, Alphonse Allais, Groucho Marx ou Pierre Desproges.
Le mot d'esprit ? Une réplique fine et subtile, pas toujours bien intentionnée, qui consiste à révéler le côté farfelu, l'absurde d'une situation à partir d'un fait ou d'une affirmation apparemment logique. Ce qu'on appelle « le second degré », précise l'auteur qui ne manque pas d'exemples. « Lorsque Henny Youngman affirme : «J'ai fait une affaire, j'ai acheté une statue de la Vénus de Milo au rabais. Elle a deux bras», il sème la confusion dans notre esprit sans rien expliquer. Mais quand Garry Shandling assure de façon péremptoire : «Une fois, j'ai fait l'amour pendant une heure cinq ! C'était le jour du changement d'heure», on se trouve alors face à un semblant d'explication... » Des formules d'autant plus irrésistibles qu'elles sont souvent énoncées avec le plus imperturbable sérieux.
Le lecteur pourra piocher dans cet inventaire de quoi égayer et mieux apprécier toutes les circonstances de sa vie. Il y trouvera les rubriques les plus courantes et familières comme les plus insolites - notamment animalières. Ainsi des mouches chères à René Fallet : « La mouche est la plus belle conquête du papier collant » ; alors que Sylvain Tesson remarque, pour sa part, que « la vie du kangourou est riche en rebondissements ». On ne saurait mieux dire !
« Ce serait une honte dont vous ne pourriez vous laver que de ne pas finir Josèphe... Tout est beau, tout est grand, cette lecture est magnifique » écrit Mme de Sévigné à sa fille en novembre 1675. Port-Royal vient alors de publier une nouvelle traduction de cet auteur antique due à Arnauld d'Andilly, le frère du Grand Arnauld. Elle fera autorité en France pendant près de deux siècles. Dans tout l'Occident chrétien, Flavius Josèphe fut en effet jusqu'à une époque récente l'historien de l'Antiquité le plus lu.
Sans ses écrits, de larges pans de l'histoire de la Judée entre -100 et la fin du premier siècle de l'ère chrétienne nous resteraient inconnus. Toutes les Histoires du peuple juif au temps de Jésus lui sont grandement redevables.
Né Yosef ben Mattityahu Ha-cohen dans une grande famille de Jérusalem en l'an 37, il est mort à Rome, protégé de empereurs successifs de la dynastie flavienne, vers l'an 100. Entretemps il avait vécu en tant qu'acteur puis témoin oculaire la terrible tragédie de son peuple, celle qui opposa les Judéens à la puissance romaine et vit disparaître dans les flammes Jérusalem avec son célèbre Temple.
Le nom latinisé sous lequel son oeuvre nous est parvenue reflète un destin exceptionnel. Réchappé par ruse d'un grand massacre, cet aristocrate juif qui avait pris les armes contre Rome, fut libéré de ses chaînes pour avoir prédit l'empire à Vespasien et reçut la citoyenneté romaine comme le révèle son nom. C'est depuis le camp romain qu'il assista à la prise de sa ville natale.
Dès le lendemain de la guerre, il fut chargé d'en écrire le récit pour la gloire des vainqueurs mais sans dissimuler son propre chagrin. À ce premier ouvrage, La Guerre des juifs contre les Romains ou Guerre de Judée (vers 75), s'ajoutèrent quelque vingt ans plus tard les 20 livres des Antiquités judaïques qui relatent l'histoire biblique suivie de celle des années précédant la révolte juive. Soucieux de justifier son attitude pendant cette guerre, Josèphe rédigea aussi une Autobiographie. Et, toujours fidèle à ses traditions ancestrales dans son exil romain, il répondit aux allégations mensongères les concernant dans le Contre Apion. C'est l'ensemble de cette oeuvre grandiose et sans équivalent qui est présentée dans ce volume.
L'univers qu'Aristote pensait être éternel et immuable n'est plus : il possède un passé et un futur, un début et une fin. Il a surgi voilà 13,8 milliards d'années, dans une déflagration fulgurante appelée big bang, qui a aussi engendré l'espace et le temps ; son histoire est celle d'une matière qui naît, s'éveille et s'organise. Dans une de ces galaxies, la Voie lactée, auprès d'une étoile, le Soleil, sur la planète Terre, apparaît l'Homme, capable de s'émerveiller devant la beauté et l'harmonie du cosmos.
Cette symbiose entre l'homme et l'univers est le thème commun aux quatre textes ici réunis. Trinh Xuan Thuan y montre que le réel n'est pas seulement façonné par les lois et les constantes physiques, mais aussi modelé par le hasard et la contingence.
La science aborde aujourd'hui des questions qui étaient purement métaphysiques auparavant : Quelle est l'origine de l'univers ? Y-a-t-il un début du temps et de l'espace ? Sommes-nous là par hasard ou notre présence dans l'univers implique-t-elle l'existence d'un principe créateur ?
Trinh Xuan Thuan éclaire notre propre réflexion, tout en nous racontant cette histoire envoûtante, grandiose et poétique, avec une rigueur scientifique et un talent de conteur qui font de lui un initiateur hors pair.
Ce volume contient : La Mélodie secrète ; Le Chaos et l'Harmonie ; Désir d'infini ; L'Infini dans la paume de la main, avec Matthieu Ricard.
Ce Dictionnaire est une oeuvre originale, qui puise dans le dernier état de la recherche internationale, souvent méconnu en France, sur l'énigme posée par Jésus de Nazareth. Il a été conçu dans un esprit scientifique, par une équipe restreinte, sous la direction de frère Renaud Silly, liée à l'École biblique et archéologique française de Jérusalem et qui rassemble une vingtaine d'auteurs français, belges, israéliens et américains. Cet ouvrage monumental répond parfaitement à l'objectif que ses maîtres d'oeuvre se sont fixé : porter sur Jésus non un regard neuf, mais renouvelé, en partant du pays qui fut le sien, en le resituant sur sa terre originelle et au milieu de son peuple. Au plus près de ses sources, autrement dit. Tout en Jésus est juif, rappellent-ils. La judaïté du Christ court ainsi depuis ses origines jusqu'à la réception de son Évangile et à la fondation du christianisme. Elle offre un cadre de lecture novateur à de tous les événements soigneusement répertoriés de sa vie. Le Dictionnaire fait une place très large, outre à la personne du Christ, à son enseignement et aux rites qui se réclament de lui. Ces différentes rubriques insistent sur les méthodes par lesquelles la science appréhende « l'objet » Jésus, sur son enseignement, sur la séquence Passion-Résurrection et enfin sur les divers contextes, géographique, historique et littéraire, de son action. Il est nourri d'abondantes références aux textes anciens, bases essentielles pour atteindre à une connaissance complète sur Jésus.
Paul Veyne est un savant hors pair : un immense historien de Rome, un très grand latiniste, doublé d'un intellectuel inclassable, déroutant, non conformiste, épris de liberté et étincelant d'humour.
Cet ouvrage permet de découvrir l'univers d'un homme curieux de tout, de suivre les cheminements de l'écrivain, de l'historien virtuose. La profusion des idées, les notations ou les éreintements jubilatoires, la phrase qui tranche net, le regard à l'affût des sujets les plus divers, l'appétit de savoir, les positions qui s'imbriquent et se superposent sont autant d'ingrédients d'une oeuvre originale, irriguée par la vivacité d'un style libre et inventif.
Derrière l'apparence trompeuse d'une légèreté parfois déconcertante, la pensée avance, toujours plus subtile. Sur des thèmes volontiers ardus, et abordés avec toutes les ressources de l'érudition, Paul Veyne offre au lecteur des points d'accroche chaque fois saisissants, par leur fantaisie, leur incongruité, leurs anachronismes réfléchis. Il finit ainsi par établir une sorte de familiarité avec des mondes et des hommes à première vue très éloignés de nous.
Mêlant autobiographie, études d'histoire antique, extraits de traductions de poésie latine et témoignages d'amitié, cet ensemble d'une exceptionnelle densité embrasse la majeure partie de l'histoire et de la littérature du monde gréco-romain, sans cesser d'être en dialogue avec nos poètes et philosophes contemporains.
La capitale de l'Empire austro-hongrois a été le paradis de son enfance. Au fil du temps, et après bien des drames, elle est devenue pour lui un monde idéal, où les apports les plus divers finissaient toujours par se mêler harmonieusement, où l'ouverture à la modernité s'appuyait sur une solide tradition locale. Cette ville-théâtre, de 1880 à l'entre-deux-guerres, fut surtout une incomparable cité des arts et de l'esprit européen.
Les textes ici réunis couvrent l'ensemble de la vie créatrice de l'auteur, de l'étudiant dilettante des débuts à l'écrivain célèbre et exilé de la fin, qui dut quitter l'Autriche quelques mois avant l'Anschluss. Des pans entiers de l'histoire culturelle viennoise sont ainsi explorés, avec ses valeurs sûres, ses modes passagères, ses lieux mythiques, ses poètes (Hugo von Hofmannsthal, Rainer Maria Rilke...), ses génies (Sigmund Freud, Joseph Roth, Gustav Mahler, Arthur Schnitzler...), ses inconnus et bien d'autres figures attachantes, amis plus ou moins proches que Zweig sent et analyse avec la précision de celui qui voit tout. Il retranscrit ses impressions et souvenirs dans ce style toujours accessible qu'on lui connaît. Ce faisant, témoin bouleversant d'une époque bouleversée, il tente de sauver ce qui peut l'être.
Sa Vienne, qui nous fascine tant, est éternelle.
On peut vivre selon Lucrèce. Son poème est d'ailleurs une proposition existentielle faite à son dédicataire Memmius. Le philosophe propose en effet une conversion, autrement dit : une vie nouvelle faisant suite à l'ancienne qu'on abandonne après avoir compris ce qu'il y avait à comprendre, initié par un sage qui nous transmet son savoir. Ici : que le réel est matériel, qu'il n'est fait que d'atomes qui tombent dans le vide et de rien d'autre ; que cette physique de l'ici-bas dispense d'une métaphysique de l'au-delà ; que la religion est superstition et qu'il faut lui préférer la philosophie ; qu'il faut donner au corps ce qu'il demande dans la limite où ce qu'on lui donne ne l'asservit pas ; que l'amour est un remède à la passion ; que la sagesse est atteignable et qu'elle consiste en une arithmétique des plaisirs accompagnée par une diététique des désirs ; qu'il n'y a ni enfer ni paradis mais juste un monde immanent et tangible ; que la mort n'est pas à craindre puisqu'elle n'est qu'une modification de la matière et non sa suppression ; que le réel est tragique et que le savoir confère de la sérénité ; que le paradis existe sur terre pourvu qu'on le construise avec détermination. Ce livre pend donc la forme d'une série de neuf lettres comme autant d'invitations à une sculpture de soi. Cette éthique propose une esthétique de l'existence.
Les cours sont terminés et font place aux vacances d'été. À Villeterre, un village au coeur de la France comme il y en a d'innombrables, il faut tuer l'ennui. Pour certains, ce sera l'Angleterre ; pour d'autres, l'île d'Oléron. Josselin, lui, restera. Il a promis à ses parents qu'il trouvera un boulot en intérim, aidera aux foins dans une ferme voisine et songera à son avenir. En compagnie de son ami Clément, il traîne à l'usine désaffectée du coin et épuise ses longues journées en baignades ou en virées à moto.
Qu'y a-t-il à vivre ici ? Qui faut-il aimer ?
Un bal estival, une embrouille avec des petits caïds locaux, une première histoire d'amour, et voilà que le coeur de Josselin s'enflamme. En quelques semaines, Josselin se risque à une nouvelle existence où s'éprouvent toutes les craintes et tous les émois. C' est l'enfance qu'il quitte et l'âge adulte qui pointe avec son lot de désillusions et de blessures.
Mélange étonnant d'objectivité critique et de lyrisme éclatant, Ceux de l'intérieur décrit ces paysages ruraux où le temps ne fait que s'épaissir. Théo Veillon signe un premier roman d'une grande justesse habité par une ferveur intense.