Les biographies de saint Augustin, y compris les plus récentes, font une large part à l'hagiographie. On propose ici de considérer l'homme plutôt que le saint.
Un manuscrit médiéval des Confessions montre deux Augustin qui offrent un volume de l'ouvrage à Dieu. Le premier des deux, à droite du Maître, porte une mitre et une crosse : c'est l'Augustin d'après 395, date de son élévation à l'épiscopat. Le second tient lui aussi une extrémité du rouleau des mémoires qu'il confesse à son Seigneur. Il en est le sujet et la matière. Quant au premier, il en est l'auteur, autour de l'année 400.
Peut-on légitimement parler de deux Augustin, le premier qui serait l'homme d'avant 395, amoureux de la culture classique, et le second, devenu chrétien, qui serait l'évêque ?
Cette biographie s'apparente à une véritable enquête à la recherche du moment où Augustin, l'homme, a définitivement quitté ses habits d'intellectuel et renoncé aux charmes païens des études libérales pour devenir pleinement chrétien.
L'auteur, spécialiste de l'Antiquité tardive, a publié plusieurs ouvrages sur l'historiographie latine. Il offre ici un récit vivant fondé sur une lecture renouvelée des sources. Sa connaissance du contexte historique et culturel de la fin du IVe siècle lui permet une approche originale de l'évolution personnelle d'un homme d'abord amoureux de la culture classique.
De larges extraits des Confessions, fournis dans une traduction personnelle, font l'objet d'analyses originales. L'enquête révèle que l'adhésion pleine d'Augustin au christianisme fut plus tardive qu'on ne le pense généralement et qu'elle coïncide sans doute avec son accès à l'épiscopat.
Cet ouvrage redessine les contours des relations polémiques entre les païens et les chrétiens sous le règne de Théodose (379-395), en s'inscrivant notamment dans les perspectives ouvertes par l'identification de l'auteur de l'Histoire Auguste en la personne de Nicomaque Flavien senior (334-394) et en apportant à cette thèse de nouveaux arguments.
Un certain nombre d'intellectuels païens de l'Antiquité tardive (IVe et Ve siècles) avaient entrepris une guerre à mots couverts contre la pensée chrétienne en train de s'installer. Au coeur de ce jeu antagoniste se place la figure complexe et polymorphe de Nicomaque Flavien senior. Les chrétiens en avaient fait l'un de leurs adversaires privilégiés. Placé par ses fonctions officielles auprès de Théodose au centre du système judiciaire, il fut un juriste avisé, rédacteur de lois pour le Prince mais aussi habile propagandiste, dans l'Histoire Auguste, de thèmes idéologiquement très proches des positions de l'aristocratie païenne, par exemple en matière de morale sexuelle ou de gestion des patrimoines.
L'analyse de documents méconnus permet en outre de penser que l'homme fut un adepte du néo-platonisme, ce qui n'avait jamais été établi jusque-là. La crainte de la répression policière l'a conduit à crypter son message politique et religieux en recourant de manière systématique aux ressources inépuisables de l'art de la fiction. L'auteur propose une analyse originale de ce qu'il appelle " le malaise païen ", fondée sur le constat que les païens comme les chrétiens privilégiaient dans l'expression et la défense de leurs convictions religieuses des formes littéraires élaborées.
Fiction et religion constituent ainsi deux thématiques communes à tous les intellectuels de l'époque et elles ne sauraient être dissociées dans l'approche d'une période aussi riche.